Métro : notre avis est défavorable sur toute la ligne 🗺
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Enquête publique – Ligne 18
Mémoire au commissaire enquêteur
présenté par Europe Ecologie – Les Verts 91
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avec ses élus régionaux Île-de-France,
départementaux de l’Essonne
et locaux de l’Ouest Essonne
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Monsieur Jean-Pierre Chaulet.
Président de la commission d’enquête publique
de la ligne 18 du Grand Paris Express
le 18 avril 2015
Monsieur le Président,
Au nom de notre organisation – Europe Écologie – les Verts – et de ses élus régionaux, départementaux et locaux, nous vous adressons par la présente notre contribution dans le cadre de l’enquête publique du Grand Paris Express dont vous présidez la commission d’enquête.
Le mémoire qui suit est assez précis et argumenté, mais nous souhaiterions pouvoir vous le présenter en détails afin de mettre en perspective les raisons de notre opposition de longue date à ce projet de transport.
C’est assez solennellement que nous vous adressons notre contribution négative. Il est en effet rare et peu banal de voir des écologistes s’opposer de front à une infrastructure de transport collectif, alors même que, via nos responsabilités au STIF il y a encore quelques mois, à la Région et dans les collectivités, nous sommes à la pointe des politiques de report modal vers les transports en commun et les modes doux et ce dans le cadre impératif de la lutte contre les gaz à effet de serre.
Cinq catégories d’arguments expliquent notre opposition à ce projet, dans un moment de raréfaction notable des financements publics :
- La construction de la ligne 18, métro lourd, est de nature à obérer voir annihiler dans l’avenir le compromis trouvé sur le plateau de Saclay pour la protection des terres agricoles (sanctuarisation de 2 300 ha) dans le cadre du SDRIF.
- Les prévisions de trafic sont notoirement faibles et ne correspondent pas à une aussi grosse et dispendieuse infrastructure. Les conclusions du rapport Auzannet et celles du STIF étaient identiques à ce sujet.
- La ligne 18 ne répond pas aux véritables besoins de mobilités vers ce secteur qui sont essentiellement nord-sud. Les écologistes ont toujours prôné une approche sobre de l’investissement public. Or, notre mémoire présente des alternatives opérationnelles beaucoup moins chères à cette ligne 18 qui répondent mieux aux besoins de mobilité du territoire.
- La rentabilité interne du projet est extrêmement faible et a été soulignée (cf. notre document) par le STIF, la Cour des Compte et le CGI. Si ce taux n’est pas l’alpha et l’oméga des fondements d’une décision publique, il en est un indicateur. La comparaison 3,5 Md € pour 600 000 voyageurs/jours pour le prolongement du RER E à la Défense et 3 Md € pour la ligne 18 pour, au mieux, 100 000 voyageurs/ jours est éloquente. Cette distorsion a été soulignée par le STIF dans ses avis depuis l’origine du projet.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que l’Etat et la SGP font une erreur aux conséquences graves dans la priorisation des investissements publics en terme de transports. Elles motivent notre avis défavorable à ce projet pour lequel nous souhaitons qu’un avis négatif soit émis à l’instar du CGI, du STIF et de la Cour des Comptes.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération distinguée.
Le Groupe local EELV des 3 Vallées
Marie-Pierre Digard
1ère adjointe au maire d’Orsay
Conseillère communautaire Paris Saclay
Serge Moronvalle
Conseiller municipal de Massy
Conseiller communautaire Paris Saclay
Michel Rouyer
Conseiller municipal de Palaiseau
Conseiller communautaire Paris Saclay
Anne Launay
Conseillère départementale de l’Essonne
Canton de Palaiseau
Hélène Dian-Leloup
Conseillère départementale de l’Essonne
Canton de Ris- Orangis
Guy Bonneau
Elu municipal à Massy de 1986 à2004
Conseiller régional Ile de France de 2004 à 2010
Vice-président du Conseil général de l’Essonne de 2011 à 2015
Fadila Chourfi
Co-secrétaire départementale EELV 91
Pierre Serne
Administrateur du STIF
Ancien vice-président de la Région en charge des transports
Jacques Picard
Ancien secrétaire de la commission des transports du Conseil régional
Ex. administrateur du STIF
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1 – Un besoin de transport mais un projet sur-dimensionné
Le projet de transport tel qu’il est présenté fait abstraction des réels besoins et des enjeux du territoire. L’exigence de transports en commun adaptés et proportionnés aux besoins des salariés, des étudiants et des habitants, s’impose.
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Un besoin majoritaire de transports Sud-Nord.
Avec la ligne 18, la SGP fait comme si la majorité des usagers provenait de Paris ou de la petite couronne. Or, ce n’est le cas que d’un sur cinq, les quatre autres habitent à proximité du plateau, en grande majorité dans l’Essonne (70,1%).
Demain, ces proportions évolueront sans doute, mais pas de façon considérable.
La ligne 18 ne répond donc pas aux besoins.
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Un trafic faible pour un transport lourd qui sera mis en service trop tard
Les évaluations du rapport Auzannet, globalement en accord avec celles du STIF, indiquent une charge maximale de 4 100 voyageurs à l’heure de pointe en 2025 et 6 000 en 2030. Si ces prévisions de trafic sont faibles sur Orly-Orsay elles le sont encore plus sur Orsay-Versailles. La partie Massy-Orsay ne dépasserait pas 4 900 voyageurs en 2030.
On est loin des besoins correspondant à un métro automatique lourd qui offre une capacité 10 fois supérieure. De plus ces organismes officiels soulignent que ce métro arrivera très tard, bien après le déménagement des différents établissements prévus dans la frange Sud.
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La Ligne 18 : une mauvaise réponse aux vrais besoins
Dans son dossier d’enquête, la SGP a réévalué (surévalué) les prévisions de fréquentation, établies par le rapport Auzannet et le STIF, pour augmenter les bénéfices de son projet, en contradiction avec les avis de ces organismes officiels.
2 – Des solutions alternatives existent
Il convient de répondre de façon adaptée aux besoins de mobilités, cela nécessite une vision globale des interconnexions entre les différents types de transports. Ce n’est pas la logique retenue par la loi du Grand Paris, qui a mandaté la SGP pour la création d’un métro sans tenir compte de l’existant. La priorité absolue doit être donnée à l’amélioration du réseau lourd existant (RER), sur lequel s’appuieront des systèmes plus légers, peu coûteux et correspondant aux besoins réels :
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Le prolongement de la ligne 14 d’Orly à Massy.
Limitation de la ligne 18 à un prolongement de la ligne 14 d’Orly jusqu’à la gare intermodale de Massy Palaiseau (TGV, RER B, TCSP, RER C). Les terrains autour du pôle multimodale doivent permettre l’intégration du SMR.
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Le Transport en Commun en Site Propre (TCSP) transformé en tramway.
Le TCSP existant du pôle de Massy à Saclay doit commencer son exploitation fin 2016, il est transformable, si nécessaire, en tramway à partir du pôle de Massy, comme tous les TCSP franciliens. Il constitue une solution immédiate et adaptable lorsque les besoins dépasseront 1500 voyageurs/h aux heures de pointe. Le tramway est optimal en termes de trafic et il est moins cher. Les tramways existants et en réalisation en Île-de-France (T2,T3,) permettent d’atteindre des trafics supérieur à 150 000 voyageurs/jour. On remarquera que, s’agissant du plateau de Saclay, une ligne de tram ne consommerait pas de terres agricoles, les emprises ayant déjà été réalisées pour le prolongement du TCSP. Il serait dans la fourchette basse du coût/km des tramways car il n’est pas accompagné de requalification urbaine. Un tramway posé sur ballast aurait un coût très inférieur et une vitesse assez conséquente.
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Le tram-train Massy-Versailles-St-Quentin.
L’adaptation prévue du RER C Massy Versailles Chantier en tram-train permettra le même temps de transport entre Massy et Versailles que la ligne 18 initialement prévue ; une extension vers Saint-Quentin peut être avantageusement étudiée.
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La création de téléphériques entre Courtabœuf-les Ulis et le Guichet – TCSP Orsay.
Le téléphérique est un type de transport moins coûteux et de bonne capacité (6000 voyageurs/heure). Il permettra, à partir de la gare RER du Guichet, de desservir la frange Sud du Plateau et la zone de Courtabœuf. Cela offrira une liaison entre la zone universitaire et la zone économique d’activité. Une étude doit être initiée par la Communauté Paris Saclay.
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La continuation de la modernisation du RER B.
La Modernisation du RER B doit se poursuivre impérativement en matière de confort, régularité et performance. Elles en cours dans le cadre d’un schéma de principe B Sud. Les efforts financiers important répondront ainsi à un besoin fort et actuel des usagers de cette ligne. Un arrêt permanent à la gare du Guichet est à prévoir pour s’interconnecter avec le transport par téléphérique urbain.
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Un TCSP les Ulis RER B.
Un TCSP en site propre entre le centre des Ulis et la gare de Massy permettrait de compléter le dispositif. Une ligne de bus rapide est déjà en place.
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Une voie réservée sur l’A10 pour le co voiturage (3 personnes) et les transports en communs.
Sur l’A10 notamment, comme sur le réseau autoroutier francilien, la mise en place d’une voie réservée pour le covoiturage et les transports en commun répondrait à une partie de la problématique des déplacements routiers dans le secteur. Ce projet, qui utilise déjà expérimentalement la bande d’arrêt d’urgence aujourd’hui, est en phase pré opérationnelle dans les cartons de la région.
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Un renforcement des Pistes Cyclables et des postes de rechargement de vélos électriques.
3 – De nombreux avis réservés
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Les experts du Cercle des Transports
Ils ont repris dans leur récent rapport 7 une grande partie des arguments qui mettent en cause la nécessité immédiate du Grand Paris Express, au profit d’une amélioration des transports existants (RER B et C).
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Le Rapport Auzannet, 2012
Il est évident que les niveaux de trafic attendus ne justifient aucunement un métro lourd permettant une capacité de 44 000 voyageurs. La charge maximale du tronçon Versailles–Saclay–Orly est estimée à 4100 voyageurs à l’horizon 2025 et à 6000 en 2035. On peut lire p. 59 de ce rapport : « Afin d’en finir avec les incertitudes il apparaît maintenant souhaitable de faire un véritable choix en optant soit pour un métro léger (45 ou 60 m), un tramway ou un bus en site propre. »
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Le Commissariat Général à l’Investissement, 2015
«La rentabilité socio-économique classique de la ligne est négative. Cela est dû, en grande partie, à la faiblesse des gains de temps apportés par la liaison, estimés par le STIF à 5 minutes par passager.»
Les principaux points faibles du projet sont:
- Une relative faiblesse des gains de temps et un usage de l’infrastructure (taux de remplissage) fortement dépendant de la capacité de la zone de Saclay à rabattre la population vers les nouvelles gares de la ligne 18.
- une estimation au plus juste des coûts d’investissement et d’exploitation alors qu’il existe des risques réels de conception (enfouissement sur un linéaire plus important que prévu, gare CEA), de travaux (aléas géotechniques, hydrogéologiques) et d’équipement (spécificités du matériel roulant)
- une absence de rentabilité socio-économique de la ligne Aéroport d’Orly – Versailles-Chantiers, si l’on ne tient compte que des effets transports, encore plus marquée pour le tronçon prévu en 2ème phase entre Orsay-Gif et Versailles-Chantiers. Les bénéfices économiques de cette zone sont par ailleurs entachés d’incertitudes incontestables.
Au final, l’avis du CGI est défavorable à la 2ème phase du projet (section Orsay-Gif – Versailles).
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Le Syndicat des Transport en Ile de France (STIF),octobre 2015
Le STIF souligne la faiblesse de la rentabilité économique du projet comparé aux autres projets du Nouveau Grand Paris déjà étudiés. Le trafic de la ligne 18 est limité: environ 100 000 voyageurs journaliers sont attendus en 2030 au regard d’un coût d’investissement de l’ordre 3 milliards d’euros
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L’avis de l’Autorité de Sureté Nucléaire, 2015
L’ASN considère que “compte tenu notamment de la présence de l’installation exploitée par Cis Bio international, l’arrêté annoncé par le CEA de ses réacteurs de recherche ne permet pas de garantir la future compatibilité des projets pris en compte par de CDT en lien avec la réalisation d’un pôle d’échange intermodal au Christ de Saclay (gare CEA St Aubinn parking relais de 1000 places au sud du Christe d Saclay, gare routière) avec les risques liés aux installations nucléaires.”
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L’avis de la Cour des Comptes sur les transports franciliens, février 2016
Indépendamment de la difficulté à financer tous ces projets, il existe une forte incertitude sur la capacité des opérateurs et de l’industrie à mener de front, et dans les délais actuellement envisagés, à la fois les chantiers de rénovation, de maintenance et de développement du réseau actuel.
La priorité absolue doit être donnée à l’amélioration du réseau existant, dans la mesure où la performance de l’infrastructure et de certains matériels roulants n’est plus en adéquation avec l’importance du trafic constatée sur le réseau Transilien.
La rapport public annuel de la Cour des Comptes de février 2016, rappelle en p.503 “Dans ces conditions, il est nécessaire de veiller à ce que la politique d’encouragement à l’usage des transports collectifs n’ait pas pour effet d’accroître le trafic sur les tronçons ferroviaires déjà saturés et de dégrader encore une qualité de service déjà considérée comme critique par les usagers, en particulier par les habitants les plus éloignés du cœur de l’agglomération. La Cour formule notamment, en conséquence les recommandations suivantes :
- à l’État et à SNCF Réseau, de maintenir la priorité absolue donnée à l’entretien et à la maintenance du réseau Transilien (recommandation réitérée) ;
- à l’État, de procéder à une hiérarchisation et à une sélection rigoureuse des projets d’infrastructures de transport envisagées dans les 10 à 15 prochaines années à l’aune des capacités financières, techniques et humaines mobilisables au cours de cette période.
5 – En conclusion
Les écologistes sont évidemment partisans des infrastructures de transport en commun. L’accord de 2011 entre la Région et l’Etat sur le projet de Grand Paris Express entérinait un accord global pour la création de nouvelles lignes à une seule exception : la ligne 18. Cette ligne 18 est le maillon faible de l’ensemble du projet de transports franciliens. Son coût est élevé et son bilan socio-économique se révèle mauvais par rapport aux autres lignes. Ce projet persiste malgré toutes les alertes et remarques argumentées des organismes officiels (Rapport Auzannet, STIF, CGI, Cour des Comptes, ASN…) et des associations. Elle pose le problème de la priorité dans nos investissements. Pour toutes ces raisons Europe Ecologie Les Verts s’oppose à un métro pour la ligne 18 et demande l’étude de solutions alternatives.